L’oiseau a cramé ses ailes

8 ans

Papa,
Huit années se sont écoulées depuis que tu es parti.
Un sentiment de nostalgie m’envahit ce soir, tout comme ce foutu sentiment de ne pas être à ma place et de ne pas avoir le droit de ressentir ce manque.
Pouvons-nous pleurer quelqu’un pour qui nous n’avons pas été présent dans sa vie ?
Pouvons-nous pleurer ce premier homme de notre vie que nous ne connaissons pourtant pas ?
Je me demande si celui dont je fais le deuil petit à petit n’est pas cet homme idéalisé que j’aurais aimé connaître, plutôt que cet homme qu’il a réellement été.
J’ai pris conscience de cela à l’instant. Ça me déstabilise beaucoup.

Papa. Bordel c’est dur, même huit ans après. C’est dur de ne plus avoir mal, c’est dur de ne plus espérer. C’est dur de reprendre une vie après ta mort.
Je suis toujours extrêmement en colère contre toi pour tout ce que tu m’as fait. Je t’en veux toujours de ne pas m’avoir aimée.
Quand on aime, on ne cherche pas à nuire, on ne cherche pas à fuir. Quand on aime, on est là, on crée du lien, on entend la souffrance de l’autre et surtout on la voit.
Quand on aime, on n’est pas comme toi. Mais moi je t’aime et tu l’as jamais entendu.